Enfant, Mathilde Courau s’amusait à pister l’avion supersonique dont le son lui avait fait lever la tête vers le ciel. Avec un père dans l’Armée de l’air, à six ans la petite fille passe du ciel bordelais aux étendues du Colorado, deux années en immersion totale, dans une école et une ville où personne ne parle français, depuis une faute de grammaire lui écorche l’oreille, depuis, au fil de l’enfance et de la jeunesse, une confiance s’est construite, solide, compacte et légère comme un caillou. Assez vite, s’est dessinée une idée claire de ce qu’elle veut comme vie, elles seront deux : une vie professionnelle et une vie de famille tribu, quatre enfants au minimum. Alors Mathilde Courau accepte de ne pas rejouer l’Étoffe des héros, ne deviendra pas astronaute, ne renonce pas, mais équilibre.
Théophane Courau entre dans sa vie à l’École Supérieure de Commerce de Paris (ESCP), un coup de foudre, ils se fiancent après trois mois et se marient après deux années, leur premier enfant naît en novembre, Mathilde est tout juste diplômée. Ils font désormais leur route à deux, elle laisse sur le quai son père qui ressent un petit pincement au cœur, d’autant que la sœur de Mathilde se marie également à la vingtaine.
Le duo vie professionnelle-vie de mère est mené sans solo préalable. Certains congés maternité seront plus longs que d’autres, Mathilde y développera des talents comme celui de la rénovation, carrelage, plâtres..., elle refera à neuf leur maison lyonnaise, avec la satisfaction que donne le travail visible, contrairement à celui de la mère au foyer, plus flou. Mathilde Courau évolue dans le marketing, encore à l’ESCP, le stage à la Direction stratégie de Pinault-Printemps-La Redoute, face au dôme de l’église de Saint-Augustin, lui fait comprendre qu’elle n’aime pas être coupée du terrain. Alors pour son premier poste, elle participe, en équipe réduite, à la création de la start-up Oncook.com, malheureusement, deux ans après le modèle se crache alors que celui de Marmiton.com, basé sur la communauté décolle. Mais l’échec n’ébranle pas, au contraire, « La qualité d’une civilisation est de prendre en compte les faibles. » La suite de la carrière se déroule chez Boiron, alors encore sous la main de Christian Boiron, entrepreneur et auteur de La source du bonheur, durant onze années, tour à tour, alternant avec ses grossesses, Mathilde Courau est chef de produit, responsable marketing des points de vente, chargée d’études marketing, enfin responsable du développement digital. Mis à part le premier poste, elle joue volontiers le rôle de défricheuse de postes que l’on doit tester et son 4/5ème léger dans le budget, sied parfaitement ; alors en éclaireur, elle va là où les autres ont peur de se faire couper la tête, et elle réussit.
Le septième enfant naît à Marseille, deux ans après, en 2016, Mathilde rejoint Théophane chez Fatec pour trois mois, elle y réalise une vidéo de présentation et refait le site internet. Elle n’en part plus, aujourd’hui Directrice générale, voix active au Codir, les anciens la tutoient, les nouveaux la vouvoient, elle, elle tutoie (reste de chez Boiron) c’est bancal comme la vie. Sa responsabilité de dirigeante est de « Transformer le travail en performance », guider l’entreprise dans sa croissance en conservant l’esprit PME, et à la bonne vitesse. Dirigeante et mère, deux vies heureuses conciliées grâce aux dispositifs de garde, de congés maternité, de temps partiels, grâce à la première assistante maternelle qui donna le La : « Si à 18 h 30 vous n’êtes pas là, je le dépose au commissariat ! » Une chance, la contrainte horaire posa un cadre au sein duquel il fallut créer, composer. Une vie tout terrain, détachée du matériel, des enfants eux aussi tout terrain, heureux partout, « On est ensemble et c’est l’essentiel, le reste suivra. »